Riche de ses atouts uniques et incontestables, Avignon ne se repose pas pour autant sur ses lauriers. Ville à taille humaine, à proximité d’un environnement naturel aussi exceptionnel que son patrimoine culturel et historique, elle se projette résolument dans l’avenir. En tenant compte des nouveaux enjeux environnementaux et humains, la municipalité engage ainsi, à horizon 2030, une stratégie touristique durable, vertueuse, reflet de l’identité avignonnaise.
« Le monde change, Avignon aussi ! Pour préparer la ville aux grands enjeux de demain, nous avons souhaité modifier la donne pour un tourisme avignonnais réinventé. Autour de trois grandes orientations et 59 actions concrètes, en concertation avec les professionnels du secteur mais aussi avec les habitants et les citoyens, c’est une véritable stratégie que nous proposons de développer à horizon 2030. »
Cécile Helle, Maire d'Avignon
Entre sa situation géographique exceptionnelle, un cadre de vie dont les espaces naturels et agricoles représentent la moitié de la superficie de la ville, une offre culturelle et patrimoniale incomparable, mais encore son terroir parmi les plus qualitatifs de France, Avignon veut élargir son panel d’offres en attirant des visiteurs plus jeunes ou familiaux.
Une démarche collaborative
Pour mieux répondre aux nouvelles aspirations des visiteurs, la Ville d’Avignon a mobilisé l’ensemble des acteurs touristiques du territoire, privés et publics, pour inventer le tourisme de demain. Cette démarche collaborative engagée depuis octobre 2021, à travers des Assises du tourisme et trois ateliers de travail a permis de dresser les atouts et faiblesses du tourisme avignonnais. Trois axes se sont dégagés, à partir desquels 11 objectifs et 59 actions tracent un ambitieux plan d’actions. Cette nouvelle donne écologique, humaine et territoriale se développera en trois phases : à court terme en 2022/23 (19 actions prévues), à moyen terme en 2023/26 et à long terme en 2026/2030.
Un tourisme alternatif : durable et responsable
L’implication d’Avignon dans la transition écologique est le premier axe fort de la stratégie touristique. Depuis 2014, la Ville œuvre au quotidien en faveur du développement durable : mobilités douces, secteurs piétonnisés en centre-ville, modernisation des équipements publics et rénovation énergétique, création de nouveaux parcs et jardins remarquables, incitation au consommer local, développement des marchés de producteurs, sensibilisation à la biodiversité dès le plus jeune âge... Les visiteurs, de plus en plus sensibles au cadre de vie et au respect de l’environnement, ne s’y trompent pas lorsqu’ils viennent à Avignon, trouvant une attractivité et des atouts incomparables, préservant les ressources naturelles. Une ville sans pesticides, labellisée, entre autres, Territoire engagé pour la nature et capitale régionale de la biodiversité, qui attire également de nombreux sportifs et tout particulièrement les deux-roues. Terre d’excellence cycliste, la Ville poursuit en effet le développement d’un réseau cyclable structuré, d’équipements pour le stationnement des vélos et de services dédiés (consignes à vélo sécurisées…).
Un tourisme hospitalier : solidaire et bienveillant
Proposer aux touristes une nouvelle offre enrichissante et une expérience à part, dans une ville d’exception où les trésors se comptent à ciel ouvert, c’est tout l’objectif de la deuxième grande orientation, développée à travers les valeurs d’hospitalité et d’accueil. L’expérience Esprit Client mise en place dès 2018 par la Ville, avait par exemple permis à 30 commerçants du quartier Saint-Didier/Trois-Faucons de bénéficier d’un accompagnement de la CCI, en partenariat avec l’UMIH et la CMA, et de formations en langues étrangères. À cette incitation des professionnels à toujours mieux accueillir les nouveaux venus, la création d’un réseau d’« Ambassadeurs de la ville » est à l’œuvre, afin de véhiculer une image positive et constructive de la ville. Qui de mieux que les professionnels, mais aussi les habitants et les étudiants volontaires, pour faire découvrir le territoire avignonnais, dans et hors la ville, sous ses plus beaux atours ? De véritables acteurs du tourisme, également capables de relayer toutes les actions municipales en faveur du développement durable.
Un tourisme expérientiel : inédit et ancré dans son territoire
L’expérience à nulle autre pareille d’une ville singulière, pleine de vitalité et résolument ancrée dans son environnement compose le troisième axe. En lien avec Avignon Tourisme, la Ville mettra en place une charte incitant les professionnels à utiliser davantage nos richesses locales et créera des parcours thématiques urbains riches en sensations et ponctués de pépites inédites. La Ville élaborera par ailleurs des activités novatrices sur le Rhône, dont la future Maison de la Nature et des îles, sur la Barthelasse, sera le cœur battant.
Un Pass Unesco, économique et qualitatif
Enfin, véritable outil de valorisation touristique et culturel, permettant également à la Ville de prétendre à l’obtention du label Ville d’art et d’histoire et de poursuivre son ouverture internationale, la création d’un Pass Unesco répondra à deux enjeux : économique et qualitatif. Forte de ces deux lieux d’exception, Palais des Papes et Pont d’Avignon, classés au patrimoine mondial de l’Unesco, cinq autres lieux de la Région pourraient faire l’objet d’une offre commune à un tarif avantageux : Pont du Gard, théâtre antique d’Orange, grotte Chauvet 2 en Ardèche, Ville d’Arles et le Corbusier de Marseille. Une expérience touristique en Provence, dont Avignon sera, bien évidemment, le centre d’exception !
« L’avenir est à la construction de territoire touristique Zéro Carbone. » - Entretien avec Rémy Knafou
Professeur émérite à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, géographe spécialisé dans le Tourisme, Rémy Knafou a participé aux Assises du Tourisme organisées par la Ville d’Avignon, entre fin 2021 et début 2022. Il nous a accordés un entretien exclusif pour situer les enjeux et préconisations d’avenir en matière de tourisme en général, et à Avignon en particulier.
Vous étiez l’invité des Assises du Tourisme. Quelle a été la nature de votre intervention ?
En vue de la réflexion que la Ville comptait entamer sur une nouvelle stratégie touristique pour Avignon, j’ai accepté de venir participer à la réunion de lancement de la démarche municipale, qui réunissait les acteurs du tourisme avignonnais. La Ville souhaitait que je puisse participer à cette première réunion en indiquant quels étaient les objectifs que devait poursuivre, selon moi, une stratégie territoriale touristique. Le Maire m’a à nouveau demandé de revenir le 1er février, à l’occasion de la séance de compte-rendu de la démarche et du travail collectif, entamé à travers plusieurs ateliers réservés aux Avignonnais. J’ai participé aux deux réunions en tant qu’observateur extérieur.
La synthèse a été présentée en Conseil municipal le 30 avril. Quelle est votre analyse, en tant que « penseur de l’industrie touristique » du tourisme avignonnais ? Quelles mesures ou solutions proposeriez-vous ?
Je n’ai pas proposé de solution, ce n’était ni mon rôle ni ma mission. J’étais venu pour dire ce que, devait être, selon moi, la démarche d’une stratégie touristique pour une ville comme Avignon. C’était davantage en termes de méthodologie, aussi bien des élus que des acteurs du tourisme, pour leur dire qu’il était absolument nécessaire d’entamer un processus de réflexion sur l’avenir du tourisme d’Avignon, afin de profiter de la crise qui a touché le tourisme mondial, pour ne pas repartir comme avant. Quelque chose a été changé par cette crise sans précédent dans l’histoire du tourisme, par sa virulence : il n’y a jamais eu dans l’histoire du tourisme une interruption des flux tels qu’en 2020, un peu moins en 2021. Le premier constat c’était donc de ne pas repartir comme avant, à la condition de réunir les forces vives et de s’assurer en même temps de la faisabilité et des préconisations. Une stratégie touristique doit être cohérente : acteurs du tourisme et citoyens ont besoin d’observer cette prise en compte dans l’action publique, on ne liste pas une série de préconisations sans se soucier de la manière dont elles peuvent aller les unes avec les autres. Il faut qu’il y ait ce souci de cohérence dans le cadre d’une nouvelle donne, celle d’un marché qui a évolué, et de contraintes environnementales qui pèsent de plus en plus sur le monde, y compris sur le tourisme. Je ne m’étais pas cantonné à la situation d’Avignon en montrant quels étaient les enjeux à l’échelle nationale et internationale : il est important de bien se positionner et de ne pas répéter les mêmes erreurs. J’ai donné des exemples de destinations touristiques qui visiblement n’avaient pas compris les nouveaux enjeux, et qui prenaient encore des libertés avec la contrainte environnementale. Le tourisme a pris du temps à rentrer dans la transition écologique, il y a encore beaucoup de chemin à faire, en particulier concernant le transport : on sait que pour ce qui est relatif à l’émission des gaz à effet de serre, les transports, jouent un rôle important. Les destinations ne peuvent plus se désintéresser de la manière dont les touristes arrivent jusqu’à elles.
Les enjeux environnementaux font partie de vos principales préconisations pour réfléchir le tourisme de demain ?
Et aussi les enjeux de types sociétaux. Partisan du tourisme, je souhaite pourtant qu’il soit une activité davantage régulée : il faut prendre des précautions vis-à-vis de la société d’accueil, la population permanente, face à la population touristique. En donnant des exemples de lieux confrontés au surtourisme, avec des excès aussi bien en nombre qu’en terme de comportements ou de pratiques de la part des touristes qui ne respectent pas suffisamment le lieu qu’ils viennent visiter, j’avais évoqué certaines solutions pour essayer d’apporter un peu d’harmonie dans la relation entre les touristes et la population d’accueil. Si on veut que le tourisme fonctionne bien, il faut que la population du territoire concerné ne soit pas brusquée et comprenne que c’est une activité qui apporte des retombées économiques importantes. Mais ça ne doit pas être au détriment du bien-être et du quotidien de la population qui y vit.
À ce sujet, Avignon n’est-elle pas un cas d’école par rapport aux autres villes, entre sa population de juillet et le reste de l’année ?
Entre une haute saison très fréquentée et une basse saison, la situation est assez classique, mais à Avignon c’est effectivement poussé aux extrêmes. Encore que, même en hiver, il y a quand même un petit flux. C’est la différence par rapport à des stations touristiques de sport d’hiver qui ont des pointes de fréquentation avec des taux d’occupation supérieurs à 100% et à certains moments de l’année sont complètement fermées : on a là un différentiel considérable. Si on se réfère à une ville touristique, avec une population permanente, Avignon incarne un exemple assez remarquable de différentiel très fort entre une basse saison et une haute saison dont on n’a pas beaucoup l’équivalent, du fait du succès et de la renommée internationale du Festival d’Avignon.
4 millions de visiteurs par an à Avignon, est-ce important pour une ville de près de 100 000 habitants ?
Oui c’est beaucoup ! Évidemment tout dépend avec qui on se compare : si on se compare à Venise, qui a maintenant 55 000 habitants, on a 30 millions de visiteurs par an, mais c’est un cas exceptionnel, il n’y en a pas deux comme ça dans le monde ! La fréquentation d’Avignon, c’est déjà une très belle performance, parce que si elle arrive à ce chiffre-là ce n’est pas seulement grâce au Festival, c’est aussi parce que la ville a d’autres atouts. Avignon a su notamment jouer le rôle de plaque tournante, dans une région d’une richesse remarquable pour visiter les sites voisins de renommée. Des atouts confirmés par la desserte du TGV et la facilité pour venir du Nord ou des métropoles européennes.
Quels sont les autres atouts et faiblesses d’Avignon ?
Derrière les constats des ateliers, on voit qu’un certain nombre de problèmes ne paraissaient pas spécifiques au lieu, ils étaient communs à la plupart des villes touristiques, alors que les qualités sont spécifiques à Avignon ! Parmi les problèmes, étaient pointés des professionnels « peu disponibles et peu aimables » dans les lieux touristiques : ce type de constat est universel, pas propre à Avignon ! Il y a partout des professionnels, qui sont des humains et qui, sur la longue durée, n’accueillent pas toujours les gens comme il faudrait. Or, les touristes sont extrêmement sensibles à la question de la qualité de l’accueil. Autres reproches : les habitants ne montraient pas assez, ou peu d’intérêt pour leur ville ; et il y a également une insuffisance de mise en valeur des quartiers à l’extérieur des Remparts. En revanche, les atouts d’Avignon, c’est la qualité de son patrimoine, matériel et immatériel. Pour raisonner comme l’Unesco, son patrimoine matériel c’est-à-dire son héritage, la Cité des Papes, est effectivement considérable et unique. De même que le Festival fondé par Jean Vilar est quelque chose d’exceptionnel, très rare, car il a une renommée mondiale.
Dans les actions envisagées, il y a la création d’un Pass Unesco.
Il y a beaucoup de ressources dans un périmètre limité, entre le Mont Ventoux, la grotte Chauvet etc… on peut rayonner à partir d’Avignon. J’avais d’ailleurs été frappé par la production de l’Office de tourisme extrêmement bien faite, aussi bien en documentation papier qu’en ligne, ce qui n’est pas courant. Entre l’inventaire des sites à visiter tout autour mais aussi des propositions concrètes pour y aller, il y a un travail d’investigation existant, pas si répandu.
Comment réinventer le tourisme avignonnais, pour attirer de nouveaux publics ?
Chaque ville doit réinventer le tourisme en fonction de ses atouts et de ses insuffisances. L’important c’est de savoir comment les acteurs du tourisme se positionnent et ce qu’ils pourraient faire : la mairie a impulsé ce processus de construction. Il y a des difficultés de nature générale : tous les lieux doivent aujourd’hui s’occuper du bilan carbone et de la manière dont arrivent les touristes. Avignon est plutôt favorisée et bien placée : on sait que le mode de transport le plus économe en émission de CO2, c’est le train. Évidemment il y a encore une bonne partie des gens qui viennent en voiture et une minorité en avion. L’avenir est à la construction de territoire touristique Zéro Carbone : c’est une préoccupation incontournable. Une autre préoccupation propre à Avignon, c’est la fréquentation de son patrimoine par une clientèle mûre, voire âgée : il y a un vrai problème d’avenir dans ces lieux, même si c’est cyclique probablement. Ce n’est pas la même chose pour le théâtre parce que l’activité parle à la jeunesse et l’attire. Ce sont deux clientèles et deux sociologies différentes. L’un des grands défis pour Avignon, c’est de trouver les ressources pour renouveler l’intérêt du patrimoine.
L’intra-muros est très attractif. Un développement touristique est-il possible extra-muros ?
Absolument. Avignon a un pouvoir d’attraction qui est en grande partie lié à la renommée de son activité culturelle mais il y a quand même nécessité de renouveler les raisons d’y venir, tout comme essayer de mieux étaler la fréquentation, en particulier dans l’inter-saison. L’intra-muros, c’est la ville du quart d’heure ou de la demi-heure ! On peut en faire le tour assez facilement, tout en étant à pied ou à vélo, sans automobile, c’est un gros atout pour une ville qui a une richesse si concentrée, de pouvoir être découverte assez facilement et en assez peu de temps. Le revers de la médaille est que les séjours y sont courts. Ça vaut pour Avignon comme pour tout le tourisme français en général. L’un des enjeux, c’est d’allonger la durée des séjours : ce qui coute le plus en termes d’émission de CO2, c’est le déplacement et ce qui rapporte en matière de recettes touristiques, c’est la durée du séjour donc les deux vont dans le même sens. L’idéal serait que les touristes se répartissent différemment selon les lieux et la saison, et qu’ils restent un peu plus longtemps : c’est ça le défi principal, environnemental et social. Chaque territoire doit avoir le souci de cette maîtrise puisque c’est l’addition de tous ces soucis qui fait que, peut-être, on arrivera à limiter l’augmentation de la température moyenne à 1,5°, même si aujourd’hui d’après le dernier rapport du GIEC, on n’y croit plus guère, mais en tous cas il faut ne pas dépasser les 2°, ce qui serait assez dramatique pour l’évolution de l’habitabilité de la terre.
Avez-vous quelque chose à rajouter sur le cas avignonnais ?
Une telle implication du Maire dans les questions touristiques est une rareté ! C’est Madame Helle qui a mené la première réunion à laquelle j’ai participé en octobre, c’est elle qui a mené le compte rendu. Je n’ai que très rarement vu à l’échelle d’une ville de la taille d’Avignon que le Maire s’investisse autant, directement en première ligne. Et c’est mieux quand le projet est porté par le Maire !
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