Fin juin, la Ville d’Avignon a présenté en Conseil municipal son Plan Local pour le Climat. Pragmatique, concret et ambitieux, il place Avignon dans la modernité et propose des actions fortes pour agir contre les défis climatiques et réussir la transition écologique. Entretien avec Cécile Helle qui porte un projet global et solidaire pour continuer de faire d’Avignon une ville exemplaire.
Ce Plan local pour le Climat est une maison commune pour les habitants ?
Une ville appartient à tous les habitants. Au vu des enjeux climatiques actuels, il faut assimiler cette notion que c’est notre bien commun et qu’il faut le préserver pour qu’on puisse continuer à vivre dans des villes confrontées à ce réchauffement. On sait aujourd’hui que c’est une évidence, ça nous concerne tous et c’est l’un des enjeux du Plan local pour le Climat.
Une démarche volontariste de votre part ?
Oui, une Ville n’est pas obligée de faire un Plan Climat, réglementairement en principe ce sont plutôt les Régions et les agglomérations qui sont compétentes. Mais je considère que tous les échelons qui ont trait à l’aménagement territorial urbain et à la vie quotidienne des habitants sont concernés. C’est pour cela qu’on a voulu faire ce Plan local. Mais si chacun d’entre nous, chaque citoyen, ne considère pas qu’il a un rôle à jouer face à cet enjeu climatique et au réchauffement de plus en plus présent et prégnant, on n’y arrivera pas.
Quel contexte pour Avignon, ville méditerranéenne où la vulnérabilité au changement climatique est forte ?
Les villes méditerranéennes depuis toujours sont confrontés à des étés marqués, à des épisodes de sécheresse, même du temps des Romains, c’est la caractéristique du climat méditerranéen. Si on rajoute du réchauffement climatique à un climat déjà historiquement chaud, il y a un vrai risque d’avoir de plus en plus de mal à vivre au quotidien dans ces territoires. Avignon est vraiment concernée. Pour anticiper cela, il y a des actions à entreprendre. Mais il faut aussi que chacun d’entre nous se requestionne dans son rapport au monde, à la ville, dans sa vie quotidienne.
Comment agir individuellement ?
Si j’ai toujours tendance à toujours prendre la voiture pour faire des petites courses par exemple, parce c’est plus facile et plus simple, parce que j’ai toujours fait comme ça… il faut savoir que la voiture, et le secteur des transports en général, est ce qui génère en France le plus d’émissions de gaz à effet de serre avec un impact direct sur le réchauffement climatique. Si on attend tous que l’autre ait changé ou que l’échelon supérieur agisse, moi je ne suis pas comme ça. J’aimerais que le « collectif Avignon », la collectivité, les acteurs économiques, sociaux et tous les citoyens, se disent : maintenant on y va, on va changer la donne ! Je mets un composteur dans mon jardin, je fais attention aux déchets que je produis... C’est très ambitieux car quand on commence à regarder nos vies, ou comment fonctionne la collectivité, on a des marges de progression. C’est un challenge mais c’est mieux d’avoir des objectifs d’amélioration. C’est une source de motivation et les résultats peuvent se voir.
À travers les 4 axes principaux, 16 orientations, 9 objectifs et 93 actions que vous développez dans ce Plan Climat, on comprend que tout est étroitement lié !
Tout est lié et touche quasiment tous les pans de notre vie quotidienne. Ça remet en cause des comportements, des habitudes mais si je progresse sur chacun d’entre eux, je vais améliorer globalement la situation collective. On a voulu mettre les jeunes au cœur de cette mobilisation générale, car ce sont eux qui nous poussent. Ils interpellent déjà ouvertement, et ils ont raison, les adultes que nous sommes car ils estiment qu’on a un peu tardé à réagir. Je vois déjà la différence par exemple avec la 4e génération actuelle de notre Conseil municipal des Enfants, pour eux les enjeux environnementaux climatiques sont une évidence. Ils ont fait un petit film destiné aux enfants et aux parents sur le Zéro Gaspi dans les cantines et à la maison. Le message est très clair et parle à tout le monde. Bien sûr, quand ils l’ont réalisé c’est en pensant à la cantine à travers une action Zéro gaspi que l’on développe depuis qu’on a récupéré les cantines en régie, mais en même temps ils l’appliquent chez eux et s’interpellent entre eux.
Le Plan Climat a été co-construit avec les citoyens, comment poursuivre cette démarche collective ?
L’idée c’est de mettre en place un dispositif qui permette de le suivre pour vérifier où on en est de l’ambition qu’on s’est donné : il y a des objectifs notamment en diminution des émissions des gaz à effet de serre, en essayant d’être plus vertueux en déperdition énergétique de nos bâtiments, en essayant de tendre vers le 100% bio et local dans nos cantines à horizon 2026. On va initier un comité qui va suivre les actions, dont certaines ne sont peut-être pas encore identifiées et qui émergeront. Pour maintenir ce processus de partage, on souhaite mettre en place un Conseil Local des Jeunes. Une délibération sera présentée d’ici la fin d’année, pour donner le cadre de création de ce Conseil début 2023. Parmi les chantiers que j’ai envie de leur confier, il y a le suivi de ce Plan Climat. Ça peut être un premier champ d’action et de réflexion pour eux. On le voit à l’échelle monde, ce sont les jeunes qui sont mobilisés sur ces enjeux, ils sont force de proposition, ils ont envie d’être dans l’action. C’est un moyen aussi de les ré-intéresser à l’action publique locale, à la cité.
Parmi les 20 actions prioritaires, quelles sont les plus symboliques ?
On lance un challenge inter-écoles avec le défi « mon écol’o », chaque année on invitera les écoles volontaires de se mobiliser collectivement sur ces défis environnementaux et climatiques. On a identifié des actions que chaque communauté éducative pourra impulser, par exemple en favorisant la venue à l’école en mobilité douce, en créant un jardin pédagogique au sein de l’école, en mettant en place un composteur…, avec plusieurs actions et défis intégrés. Les trois écoles qui auront obtenu le plus grand score iront découvrir, par exemple, le Parc naturel de la Camargue ou la réserve d’animaux du Château de Buoux… Des activités en lien avec ces enjeux écologiques.
Un autre exemple, déjà initié mais que je voudrais pousser plus fort, c’est l’autonomie alimentaire. On a lancé l’an passé les légumes solidaires avec des plantations sur des terrains qui nous appartiennent ou à l’association Semailles, au lycée agricole Cantarel, au profit d’associations caritatives qui proposent des paniers avec des fruits et légumes frais de qualité, produits en proximité. Il y a un vrai enjeu à ce que le bien manger et le manger local ne se cantonnent pas à ceux qui ont les moyens, à Avignon il y a 30 % des gens qui vivent sous le seuil de pauvreté. Je n’ai pas envie que le défi climatique soit porteur d’inégalités sociales. C’est pour cela que j’ai voulu qu’on place au cœur de ce Plan local cette action prioritaire. J’aimerais aussi qu’on propose plus de jardins partagés, une solution pour les gens qui ont des problèmes de pouvoir d’achat. Acheter des fruits et légumes, ça peut coûter cher alors même qu’on est dans des régions de production. Si on est dans des phases d’autoproduction avec les légumes solidaires et les jardins partagés, on pourra répondre à ce défi de bien manger et manger local. J’ai aussi l’idée d’inciter des citoyens à constituer des groupements d’achats de fruits et légumes locaux, avec une structure porteuse. Je crois beaucoup aussi aux marchés des producteurs et hebdomadaires. On a un réseau assez dense sur Avignon, qui a un vrai rôle social d’accès à une alimentation diversifiée.
On a enfin des marges de progression sur la production d’énergies renouvelables. On a encore trop de dépendance aux énergies fossiles.
Comment basculer vers des énergies plus vertueuses ?
En se dotant d’un PPI depuis 2016, toutes les réhabilitations d’équipements publics et municipaux nous permettent de transformer des passoires énergétiques en équipements vertueux, c’est un travail au long cours initié en 2016 et qu’on renforce avec le 2e ppi. La Ville va continuer la réhabilitation des équipements publics et va se lancer dans les réseaux de chaleur urbaine à horizon 2025/2026 pour la partie Sud. Ce type d’énergie durable, propre et peu coûteuse représente des diminutions de facture de 50 %. C’est vertueux économiquement, écologiquement et socialement ! On va développer également l’énergie solaire en mettant à disposition des toitures municipales, comme récemment avec Enercipa.
Comment réussir une neutralité carbone à horizon 2045, soit 5 ans d’avance sur les objectifs européens ?
C’est bien de ne pas attendre que la réglementation s’impose à nous mais d’être dans l’anticipation ! Par exemple avec le Zéro plastique dans les cantines, prévue légalement à horizon 2024, on y est depuis le 1er janvier 2022. C’est vertueux pour la santé de nos enfants et pour la planète. Plus on arrivera à éliminer le plastique dans nos quotidiens, mieux on se portera. Une des autres volontés de la ville, c’est de rendre vertueux tous les grands évènements sportifs et culturels. On est lancé dans une dynamique avec Terre de Jeux 2024 et Terre de Culture 2025, c’est bien d’essayer de faire en sorte que dès 2024 toutes les compétitions sportives et événements portés par la Ville soient exemplaires de ce point de vue-là, et en 2025 pour la culture. Il y a déjà la charte de l’éco-festival signée par le In et le Off, mais il faut aller encore plus loin.
L’activité touristique est également un secteur qui n’est pas exemplaire en termes d’impacts sur la planète et de la prise en compte des enjeux climatiques. En se lançant dans une volonté de penser le tourisme différemment, après deux années difficiles, il faut en profiter pour que tout revienne mais de manière différente. Et je pense que demain les visiteurs et touristes feront attention à la façon dont se comporte un territoire du point de vue de ces enjeux. Toutes les Villes qui auront anticipé, qui auront mis en place des actions, où les acteurs économiques auront pris en compte ces dimensions, seront des destinations privilégiées par le tourisme…
Éducation, tourisme, culture, consommation, mobilité... dans cette démarche globale, quels sont les atouts d’Avignon ?
Notre ville est plus vulnérable au réchauffement climatique mais elle a des atouts. C’est une ville d’eau, présente en proximité partout : fleuve, rivière, canaux, fontaines, jeux d’eau dans les parcs, en profondeur également. Certaines villes n’ont rien. Nous on creuse, on trouve de l’eau ! Avec les jeux d’eau installés depuis 2014 dans les parcs, ce sont des ilots de fraîcheur concrets. C’est également une ville nature, de proximité, et il faut la préserver : on n’a pas besoin de prendre sa voiture pour la trouver. Il y a plus d’une trentaine de parcs et jardins publics, tous les Avignonnais vivent à moins de 500 m d’un parc, c’est un vrai atout pour se rafraîchir, surtout en période caniculaire. Ce sont des îlots de fraîcheur qui permettent d’avoir 2 ou 3 degrés de moins, pour ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un espace extérieur, c’est leur jardin ! C’est pour ça qu’on a voulu réembellir nos parcs, avec des mobiliers urbains, des tables de pique-nique : la fréquentation ne trompe pas. La nature existe aussi au naturel à Avignon, le plus beau parc naturel c’est l’île de la Barthelasse, la plus grande ile fluviale d’Europe ! Elle est chez nous, pas ailleurs. Du centre-ville, je fais 5 minutes à pied, je traverse le Rhône avec la navette gratuite et je suis dans un environnement idyllique, ou je peux me balader, être au frais, et consommer local. Comme dans la Ceinture verte. L’eau et la nature sont deux atouts essentiels à portée de tous qu’il faut préserver, valoriser. Si notre ville arrive à résister et à diminuer sa vulnérabilité par rapport au réchauffement climatique, c’est parce qu’elle ira mobiliser ses atouts cruciaux.
Et ça crée du vivre ensemble…
Oui, ça redonne du sens à la cité. Quand on vit en ville c’est qu’à priori on a une appétence pour le collectif, et pour avoir des moments de partage avec d’autres. J’espère que tous ensemble on va relever ce défi, il y a plein d’actions à enclencher qui doivent être collectives pour avoir du sens, créer de la cohésion et des nouvelles solidarités. C’est par le collectif qu’on arrivera à répondre à ces défis.
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