À Avignon, nombreuses sont les initiatives pour lutter contre les déserts médicaux. Une nécessité autant qu’une urgence face à ce phénomène de pénurie de médecins, qui n’échappe pas à la Cité des Papes, et pourrait se réguler d’ici 7 ou 8 ans, une fois de nouveaux médecins formés. Installation de télécabines, développement de la télémédecine, création de maisons médicales et de centres dédiés… ces offres complémentaires renforcent incontestablement sur la commune l’accès aux soins. Entretiens éclairants, et rassurants, avec les professionnels de santé qui s’en emparent.
Mobilisée pour que chaque Avignonnais vive sa ville dans les meilleures conditions possibles, la Ville agit au quotidien pour une inclusion sociale opérante, à travers notamment le projet du CCAS. Après un engagement sans faille durant la crise du Covid, la Ville d’Avignon poursuit ses objectifs en termes de solidarité. Consciente du caractère prioritaire des politiques de santé, le Maire d’Avignon souhaite favoriser l’accès aux soins pour tous les Avignonnais. « Une approche territoriale et partenariale avec tous les professionnels de santé doit être menée au plus près des territoires et des populations afin de mobiliser, de coordonner et de renforcer l’offre de soins, en particulier en faveur des quartiers prioritaires, dans le cadre notamment du Plan Local de Santé Publique 2020/2022 porté par le Contrat de Ville » précise Cécile Helle.
Télécabine : une solution rapide pour dépanner
Depuis quelques mois, une cabine de téléconsultation est installée dans la pharmacie du Pont-des-Deux-Eaux. Une solution de repli, en libre-service et sans rendez-vous, prise en charge par la sécurité sociale, qui ne remplace cependant pas une consultation physique. Son propriétaire, Badded Bouhrim, nous explique son usage.
Pourquoi avoir installé cette télécabine ?
Beaucoup de personnes n’ont plus de médecin traitant et sollicitent SOS médecins, souvent débordés, et présents pour les urgences. La télécabine apporte une solution de dépannage à court terme, pour les maladies chroniques ou les maux ponctuels. Mais attention, on ne retombe pas sur le même médecin : ce n’est pas une solution permettant un suivi. C’est le manque de médecin dans le quartier, notamment parce qu’une fois retraités ils ne sont pas remplacés, et la patientèle démunie qui nous ont incité à cette solution.
Comment s’utilise-t-elle ?
C’est une consultation en visio : la cabine, close et confidentielle, dispose d’outils pour faire le diagnostic médical. On prend place, on crée un compte sur l’interface mobile en répondant à 2/3 questions pour une 1re orientation, puis on est mis en relation avec un médecin de la plateforme Medadom (à Paris). On reçoit le compte rendu de la consultation, et l’ordonnance si besoin. Le pharmacien loue et met à disposition la cabine, on n’intervient pas sauf pour aider à créer un compte. On n’a pas de bénéfice direct même si 95 % des patients se servent sur place. Au final, ça rend service à tout le monde.
Vous envisagez de créer un centre médical dans le quartier ?
C’est un quartier super attractif où il y a tout ce qu’il faut, il manque juste des médecins généralistes. L’idée c’est de redonner un peu de souffle en faisant venir des médecins qui suivront la patientèle. Un local s’étant libéré à côté de la pharmacie, je me suis lancé. On devrait ouvrir d’ici fin 2022 avec deux médecins généralistes, à terme quatre. Ils ne seront pas libéraux mais salariés. Il y a de la demande des jeunes médecins qui pensent à leur confort et vie de famille. C’est une solution d’avenir pour les villes d’avoir ce genre de centre médical aidé par les collectivités.
« Il y a aujourd’hui plein de façons d’exercer la médecine. »
Au Centre Hospitalier d’Avignon, la télémédecine est en plein développement. Le point sur son application par Pierre Pinzelli, directeur du centre hospitalier, accompagné d’Aurélie Baratier, directrice des affaires médicales et Michaël De Block, directeur des systèmes d’information du Groupement Hospitalier de Territoire de Vaucluse.
Avignon est-elle affectée par le désert médical ?
Avignon est un territoire sur lequel il y a des difficultés d’accès aux soins de proximité, notamment des soins de ville. Quand on est un nouvel habitant, ce n’est pas si simple de trouver un médecin généraliste, il y a des quartiers dans lesquels c’est plus vrai que d’autres, c’est une réalité. Mais l’offre hospitalière est extrêmement solide et dense, avec un excellent plateau technique. Nous avons 350 médecins toute spécialités confondues sur l’hôpital, avec une aire d’attractivité d’environ 600 000 personnes.
Votre avis sur les télécabines et la télémédecine ?
Le concept de télécabine est intéressant, il peut faciliter un lien avec une expertise médicale, mais il faut se poser la question du bon usage et de la bonne compréhension. Ça ne remplace pas un examen clinique fait par un somaticien. C’est une autre forme d’accès au soin, complémentaire, en réponse à l’absence de présence médicale sur certains territoires. Mais cette offre pose la question de l’accompagnement du patient. Au-delà des capteurs, il faut que le télémédecin ait accès au dossier du patient pour faire un diagnostic. Il faut rester prudent dans la mise en œuvre de tels outils, qui méritent une évaluation des usages, et ne s’adressent pas à toutes les pathologies. Tout ce qui est télémédecine nécessite un accompagnement.
Quel est l’usage de la télémédecine à l’hôpital ?
Parmi les outils que nous avons pour réadapter nos prises en charge, il y a la télémédecine avec d’un côté la téléconsultation -une consultation d’un patient par un médecin à distance-, et la téléexepertise où un médecin s’adresse à un autre médecin spécialisé pour avis. L’offre est très efficace dans le cadre du suivi des maladies chroniques, en alternance avec des temps de présence. On l’a beaucoup utilisé pendant la crise, on continue, notamment dans les Ephad (une quinzaine dans le département, sur 52). Mais ça reste mineur à l’échelle de centaines de consultations par jour à l’hôpital d’Avignon : on a 5 téléconsultations maximum.
Pourquoi cette pénurie de médecins traitants ?
Il y a un manque de médecins exerçant la médecine en France, notre territoire n’est pas forcément le plus défavorisé. Ce manque est lié à deux phénomènes : on a insuffisamment de médecins sortis de la faculté de médecine, ce qui crée un flux négatif de départ à la retraite et d’arrivée de médecins. C’est pour ça que le gouvernement a fait sauter l’année dernière le verrou du numerus clausus en grande partie. Nos universités vont à nouveau former plus de médecins mais l’effet de cette politique se fera sentir dans 7 ou 8 ans ! D’ici là il va falloir trouver des formes de réponse aux besoins de soins de la population. Cette tension médicale est partagée sur tous les pans d’exercice de la médecine, liée à cette absence de flux positif entre les départs et les arrivées et à une partie des médecins formés qui décident d’exercer la médecine autrement, de manière plus regroupée, à temps partiel, dans des cabinets ou auprès de mutuelles... Aujourd’hui, il y a plein de façons d’exercer de la médecine. Les jeunes médecins décident d’exercer autrement, de manière plus regroupée, à temps partiel, dans des cabinets, ou auprès de mutuelles ou des assurances. Tous ces phénomènes conjugués font qu’il y a une tension sur le flux des médecins et des modes d’exercice qui sont en train d’évoluer.
Quel est le lien entre la médecine de ville et l’hôpital ?
Il existe et se renforce. Nous avons une maison médicale de garde à l’entrée de l’hôpital, qui fonctionne très bien et nous permet de réadresser entre 10 et 12 % de nos patients. Certains de nos services de spécialité ont des numéros d’appels directs, des modalités d’admission sans passer par les urgences, comme c’est le cas en gériatrie. Enfin, nous avons pour ambition de continuer à densifier ces liens avec bientôt des accès facilités sur l’imagerie, la biologie et le dossier patient informatisé.
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