Vous êtes lauréate du premier Prix littéraire des Avignonnais, vos impressions ?
C’est également le premier Prix que reçoit ce livre et j’en suis ravie bien évidemment ! Je suis très touchée, premièrement parce qu’il a été décerné par des lecteurs, et aussi parce que je porte Avignon dans mon cœur. J’aime beaucoup cette ville, j’y suis venue le plus souvent que j’ai pu, via le théâtre, en vacances avec ma fille : c’est une ville qui figure dans mon imaginaire depuis que je suis adolescente. J’aime cet endroit et je suis particulièrement contente que ce soit la Ville d’Avignon qui me remette ce prix.
Avignon pourrait vous inspirer un roman ?
Ça pourrait arriver, c’est une ville dont on sent l’histoire à chaque pas dans la rue et en même temps les gens qui y vivent aujourd’hui ont plein de choses intéressantes à nous dire, à partager… Pourquoi pas ?
Vous avez précédemment beaucoup écrit pour la jeunesse, pourquoi cette cible ?
D’abord parce que je pense que quand on fait un bon livre pour la jeunesse, on fait un bon livre tout court, les adultes peuvent s’en nourrir. Mais surtout parce que je pense que les enfants ont droit au meilleur, ils sont exigeants et j’avais envie de m’adresser à eux parce que ce sont des adultes en devenir. Une partie des histoires que je raconte sont des choses qui font réfléchir, mettent en colère parfois, donnent envie de s’engager. Je me dis toujours que si nous, les adultes, nous avions su changer le monde, ça se saurait, mais que par contre, peut-être, les jeunes peuvent y arriver…
La mythologie occupe une place importante dans votre œuvre, pourquoi ?
J’ai publié plus d’une vingtaine de livres de poésie ou en littérature jeunesse, dont celui qui nous occupe aujourd’hui, mais en effet mes livres les plus connus sont quatre feuilletons, de 100 épisodes chacun, sur la mythologie grecque : Hermès, Thésée, Ulysse et Artémis. Depuis des milliers d’années, les mythes posent des questions existentielles, sur la vie, la mort, l’amour, la naissance des choses, que les humains se posent depuis toujours et qu’on continue à se poser, quel que soit l’âge qu’on a. Ce sont des histoires fort fabuleuses qui nous aident à réfléchir à tout cela : voilà pourquoi les mythes sont toujours formidablement d’actualité.
Vous êtes donc récompensée pour le livre Eleftheria, qui signifie en grec liberté. Quelle est son histoire, plutôt méconnue du grand public ?
C’est un roman choral, avec plusieurs personnages, qui sont la plupart des jeunes gens, des jeunes femmes beaucoup, vivant sur l’île de Crète, pendant la dernière Guerre. Ce roman va à la fois dévoiler une tragédie oubliée qui frappe la communauté juive de Crète, mais aussi mettre en scène les jeunes gens de cette communauté, et des jeunes crétois orthodoxes résistants, ou pas. Si le roman s’appelle « liberté » c’est parce qu’il questionne simplement nos choix d’humains. Ce n’est pas seulement un roman d’histoire, il nous parle aussi d’aujourd’hui. Il nous dit voilà, vous êtes nés dans un endroit avec une langue, une histoire, une tradition, puis la guerre arrive et vous êtes libres de choisir ce que vous allez faire : partir, résister, trahir, vous cacher… Vous avez la liberté de votre destin ! Comment trace-t-on son propre chemin de vie ? Cela est raconté à travers l’histoire de Rebecca, Judith, Stella, Ariadni, Rachel, Petros, Luigi… Des personnes avec lesquelles j’avais envie de faire partager un petit bout de chemin aux lecteurs. C’est aussi un roman écrit pour saluer la Crète : même si ça se passe dans une époque tragique, vous y retrouvez la mer, la montagne, le soleil, la culture, la langue, la cuisine et surtout l’accueil extrêmement chaleureux de ce peuple de grands résistants.
L’engagement et l’humanité sont un fil conducteur dans votre œuvre ?
Oui, à la fois la transmission et la résistance. J’ai créé une collection qui s’appelle « Ceux qui ont dit non », avec 50 ouvrages qui mettent en valeur, dans des courts romans, des hommes et des femmes qui ont dit non quand d‘autres se taisent ou acceptent, sur des combats qui méritent qu’on se batte encore aujourd’hui. Non à la guerre, non à l’esclavage, non à la discrimination raciale ou la discrimination des femmes. Ça, ça me tient à cœur et effectivement chaque fois que j’écris quelque chose, quel que soit le chemin que je prends, je suis toujours face à ce désir de dire qu’on peut faire autrement, qu’on ne doit pas se laisser abattre, et quand il y a des choses qui ne nous paraissent pas normales ou pas justes, on a raison de le dire…
Cette humanité que vous défendez est importante pour une ville comme Avignon, où les notions de partage, de solidarité et de mixité sont à l’œuvre. Il y a une belle résonance…
Je crois que c’est un livre qui va bien à Avignon oui !
C’est aussi votre premier roman en littérature adulte.
Oui, publié chez l’éditrice Emmanuelle Collas. Je m’occupe aussi d’une maison d’édition indépendante de poésie avec Bruno Doucey, on se bat chaque jour pour que nos livres rejoignent le public. Ça a du sens d’être publié dans cette maison qui défend, comme nous, les auteurs du monde entier. Comme ça a du sens quand la littérature a quelque chose à dire et qu’elle est aussi indépendante des pouvoirs d’argent.
On souhaite une longue et belle vie à ce roman, qu’il rencontre le plus de lecteurs possibles…
Ce Prix va lui porter chance ! Je remercie ceux qui l’ont choisi. En me faisant honneur, et ce plaisir, ils rendent aussi hommage à tous ces hommes et femmes crétois qui se sont battus, et ils redonnent ses lettres de noblesse à cette communauté juive tragiquement disparue. Je trouve ça très touchant.
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